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FISCAL – Apport de titres à une société contrôlée : le montant de la soulte ne fait pas tout !
Actualité Fiscal, Juridique du 19 février 2019
Le Comité de l’abus de droit fiscal rappelle, par une série d’avis rendus en fin d’année 2018, que l’administration fiscale peut qualifier d’abus de droit fiscal, avec application des sanctions liées, la perception d’une somme d’argent en franchise d’impôt, à l’occasion d’une opération d’échange de titres entrant dans le champ de l’article 150-0 B ter du Code général des impôts, si cette appréhension ne se justifie pas sur le plan économique.
Pour résumer l’esprit du dispositif précité
Lorsqu’un contribuable apporte des valeurs mobilières ou des droits sociaux à une société soumise à l’impôt sur les sociétés qu’il contrôle, il reçoit en contrepartie des titres de la société bénéficiaire de l’apport.
Fiscalement parlant, ceci constitue une cession de titres qui génère une plus-value. Le mécanisme prévoit cependant que la plus-value constatée à cette occasion est bel et bien calculée mais que son imposition est mise en report, jusqu’à la survenance d’un événement faisant tomber ce report. Le contribuable est alors contraint de reporter dans ses déclarations de revenus successives le montant de ladite plus-value en report et de la rappeler à la vie fiscale lorsqu’un tel événement met fin au report qui la grève.
Dans l’état antérieur du droit et par tolérance, le législateur a indiqué que le report s’applique même si le contribuable perçoit, à l’occasion de l’apport, une soulte représentant au plus 10 % de la valeur nominale des titres reçus en contrepartie. En d’autres termes, le report vaut pour la plus-value afférente à l’ensemble des titres apportés, quand bien même le contribuable aurait reçu en échange, à la fois des titres et une somme d’argent. Toutefois, depuis l’adoption de l’article 32 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, la perception d’une telle soulte plafonnée à 10 % maintient le régime du report, mais la soulte fait désormais l’objet d’une imposition immédiate, à due concurrence. Il n’est donc plus possible de percevoir à l’occasion d’un tel apport, une somme d’argent alors que la plus-value y afférente n’est pas imposée et demeure en report.
Des exemples concrets
Une première affaire
La première affaire soumise à l’appréciation du Comité, n° 2018-11 du 12 octobre 2018, s’attarde sur un échange de titres opéré courant 2013. Le contribuable avait capté une soulte d’un montant de 181 474 euros. Il s’était ensuite versé, dans les 12 mois suivants l’opération, 255 903 et 708 116 euros de dividendes.
Le Comité a constaté que le mécanisme avait pour objectif de faciliter les opérations de restructuration d’entreprises en vue de favoriser leur développement. Il s’agissait de préserver le caractère intercalaire de l’échange de titres sur le plan fiscal, c’est-à-dire le report de l’imposition des plus-values révélées par l’échange. Cet objectif n’est pas respecté lorsque l’apporteur était uniquement motivé par une volonté de siphonner à moindre coût fiscal les liquidités de l’entreprise. Faute pour le contribuable d’avoir démontré un intérêt économique retiré par la société à raison du versement de la soulte, le Comité a donc confirmé la position administrative : la soulte dépourvue de justification économique dissimulait en réalité une autre perception de dividendes, celle-ci toutefois en franchise d’impôt.
Elle a donc à bon droit, pour le Comité, soumis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, le montant de 181 474 euros.
Une deuxième affaire
La deuxième affaire, n° 2018-15 du 15 novembre 2018, est assez similaire, en ce que le couple apporteur avait obtenu 220 000 euros à titre de soulte et s’était rapidement versé 600 000 euros complémentaires, cette fois-ci en qualité de dividendes. L’inscription de la soulte en compte courant a semblé plaire, dans un premier temps, à l’administration, puisqu’alors le montant désinvesti était tout de même affecté au financement de l’entreprise.
Son remboursement rapide a toutefois semé le doute sur sa justification économique. Le Comité a, là encore, donné raison à l’administration.
Une troisième affaire
Dans une troisième affaire, n° 2018-21 du 30 novembre 2018, la contribuable a invoqué le fait que l’opération avait en outre eu pour effet de diluer ses droits à dividendes au profit d’un autre associé. Toutefois, le caractère marginal de cette dilution n’a pas emporté la conviction du Comité. De surcroît, le fait que les sociétés en cause étaient toutes détenues par les membres d’une même famille semble avoir pesé négativement dans la balance. Enfin, il est précisé qu’il importe peu qu’aucun remboursement de la soulte inscrite en compte courant d’associé n’ait été opéré : le seul versement de la soulte était critiquable par lui-même à défaut de toute justification économique.
Pour conclure …
Comme précisé en introduction, ces montages en franchise d’impôt ne sont plus possibles depuis 2017, la soulte devant être immédiatement fiscalisée. Toutefois, les opérations d’échange de titres impliquant des reports d’imposition de plus-values demeurent fréquentes et surveillées par l’administration fiscale. Nul doute que l’administration devrait se saisir, pour contester les montages les plus contestables, de l’instauration par la loi de finances pour 2019 du « mini-abus » de droit, dédié aux opérations à but principalement fiscal, lequel sera applicable à compter de 2020 sur les montages existants en 2019.