Social – Risque de redressement Urssaf : la part patronale des mutuelles en question

Actualité Droit du travail, Social du 18 juin 2024

Depuis le 1er janvier 2016, les employeurs ont l’obligation de proposer une couverture frais de santé à leurs salariés correspondant aux exigences légales et conventionnelles et financée à hauteur d’au moins 50 % par l’entreprise pour les couvertures obligatoires.

Bien que soumise à la CSG, la CRDS et à l’impôt sur le revenu, cette prise en charge de l’employeur est exonérée de cotisations sociales mais uniquement sous certaines conditions et c’est lors des contrôles URSSAF que les mauvaises surprises arrivent.

Les conditions pour exonérer la part patronale finançant la mutuelle

Pour être exonérée de cotisations sociales, la couverture mise en place doit répondre à de nombreux critères :

  • le contrat proposé doit répondre aux conditions du « contrat santé responsable » ;
  • il doit être financer à minima à hauteur de 50 % par l’entreprise ;
  • la part patronale ne doit pas excéder :
    • 6 % du plafond de la Sécurité Sociale,
    • et 1,5 % de la rémunération brute de votre salarié soumise aux cotisations de Sécurité Sociale.
  • le contrat doit être « collectif » c’est-à-dire être proposé à tous les salariés de l’entreprise sans condition d’ancienneté ;

Des couvertures différentes peuvent être proposées selon des catégories objectives déterminées par la loi :

    • catégorie 1 : appartenance aux catégories de cadres et non-cadres (par référence aux articles 2.1 et 2.2 de l’Accord National Interprofessionnel du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres),
    • catégorie 2 : seuils de rémunération définis par le plafond annuel de Sécurité Sociale,
    • catégorie 3 : appartenance aux catégories et classifications professionnelles de conventions collectives,
    • catégorie4 : appartenance aux sous-catégories de conventions collectives,
    • catégorie 5 : appartenance à une catégorie issue d’usage en vigueur dans la profession.

Et pour terminer, le contrat doit être « obligatoire ».

C’est malheureusement ce critère qui pose le plus de problème et qui donne lieu à de nombreux redressements.

En effet, dès que le salarié entre dans l’entreprise, il doit être affilié à la mutuelle obligatoire de celle-ci SAUF s’il demande par écrit à ne pas en bénéficier car il entre dans l’un des cas de dispense prévu par l’acte fondateur mettant en place la mutuelle (accord de branche, d’entreprise ou la décision unilatérale par exemple).

Les cas de dispense sont les suivants :

  • salariés embauchés avant la mise en place du régime, mise en œuvre par décision unilatérale de l’employeur ;
  • salariés bénéficiant d’une couverture complémentaire au titre de la complémentaire santé solidaire ;
  • salariés couverts par une assurance santé individuelle (jusqu’à l’échéance du contrat) ;
  • salariés bénéficiant, y compris en tant qu’ayants droit, d’une couverture relevant de l’un des dispositifs suivants :
    • couverture collective obligatoire,
    • organisme de protection sociale complémentaire des fonctionnaires,
    • contrat d’assurance de groupe dit « Madelin »,
    • régime local d’Alsace-Moselle ; régime complémentaire relevant de la caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG),
    • régime spécial de Sécurité Sociale des gens de mer (ENIM),
    • caisse de prévoyance et de retraite des personnels de la SNCF (CPRPSNCF).
  • salariés en CDD ou contrat de mission dont la durée de la couverture est inférieure à 3 mois ;
  • salariés et apprentis en contrat de moins de 12 mois ;
  • salariés et apprentis en contrat de plus de 12 mois justifiant d’une couverture individuelle ;
  • salariés à temps partiel et apprentis dont la dont l’adhésion au système de garanties les conduirait à s’acquitter d’une cotisation au moins égale à 10 % de leur rémunération brute.

 

 

 

Si les conditions ci-dessus ne sont pas remplies, en cas de contrôle URSSAF, l’entreprise risque un redressement sur la part patronale finançant lesdites garanties.

Si auparavant le redressement était sévère (la totalité des sommes finançant la mutuelle était réintégrée dans la base de cotisations), désormais, une exception est prévue et ce redressement peut être modulé.

La modulation du redressement

En cas de non-respect des conditions vues ci-dessus, le principe reste le redressement sur la totalité de la part patronale finançant les garanties frais de santé.

Cependant, depuis le 1er janvier 2016 et devant la complexité des textes, le législateur a prévu à l’article L.133-4-8 du code de la Sécurité Sociale, un redressement réduit à hauteur d’un montant calculé sur la seule base des sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif.

Ainsi, le redressement s’applique uniquement à certains manquements et sur les sommes qu’il n’a pas versées au titre de la couverture frais de santé.

Dans un arrêt du 1er février 2024, la Cour de Cassation a éclairé l’application de cet article.

Ainsi, la modulation n’est possible que si l’employeur ne respecte pas le caractère collectif et obligatoire et si le manquement ne révèle pas une méconnaissance d’une particulière gravité des règles.

La méconnaissance d’une autre disposition (exemple : non-respect des critères du contrat responsable), ne permet pas l’application de la modulation.

De plus, pour bénéficier de la modulation, l’employeur doit reconstituer de manière probante les montants des sommes faisant défaut. A défaut, le redressement portera sur la totalité des cotisations et la modulation ne s’appliquera pas.

C’est uniquement si ces conditions sont remplies que l’entreprise pourra bénéficier d’une modulation de son redressement

Dans ce cas, il sera fixé à hauteur d’1,5 fois les sommes faisant défaut pour que la couverture du régime soit qualifiée de « collective et obligatoire » (donc des contributions patronales non versées au titre de la mutuelle d’entreprise) ou 3 fois ces sommes quand le motif du redressement repose sur un autre motif et que le manquement ne révèle pas une méconnaissance d’une particulière gravité des règles d’exonération.

Rédacteurs : groupe de travail RH ABSOLUCE