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FISCAL – Poursuites pénales pour fraude fiscale
Actualité Fiscal du 23 avril 2019
Poursuites pénales pour fraude fiscale : articulation de la coopération
La Direction générale des Finances publiques du Ministère de l’action et des comptes publics ainsi que la Direction des affaires criminelles et des grâces du Ministère de la Justice reviennent dans une circulaire conjointe du 7 mars 2019, sur les nouvelles modalités d’engagement des poursuites pénales.
Avant la promulgation de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, publiée au Journal officiel le lendemain, les dépôts de plainte pour fraude fiscale émanaient de la seule administration fiscale, après avis conforme de la Commission des Infractions Fiscales (CIF). C’est sous le nom de verrou de Bercy que l’on connaît mieux ce mécanisme.
Désormais, dans certains cas, les services fiscaux devront avertir les services du procureur de la République qui décidera seul de l’opportunité des poursuites, c’est-à-dire d’initier l’action publique ou de classer le dossier, sans être lié par le dépôt d’une plainte de l’administration fiscale. En outre, le ministère public – les services du procureur –, pourra librement étendre le champ initial de la plainte à d’autres périodes et à d’autres impôts.
Enfin, les contribuables pourront à nouveau transiger avec l’administration fiscale, grâce à cette loi, sans que la conclusion d’une telle transaction n’empêche toute action publique.
Les cas de dénonciation obligatoire
L’administration fiscale doit dénoncer les contribuables subissant des rappels d’imposition excédant 100 000 euros – en droits, c’est-à-dire intérêts de retard, majorations et pénalités exclus – dès lors que ces premiers se sont opposés au contrôle fiscal, ou exerçaient une activité occulte, ou encore ont commis un abus de droit fiscal, ou n’ont pas déclaré les comptes qu’ils ouvrent, utilisent ou ferment à l’étranger, pour ne citer que ces divers cas.
Les deux critères de communication aux services de la Justice sont donc un quantum de droits rappelés important, et l’application de certains cas de majorations de 40 %, 80 % ou 100 %.
Toutefois, l’obligation de dénonciation s’efface si, au stade la mise en recouvrement des droits rappelés, les majorations précitées ont été abandonnées par le service chargé du contrôle. Cela motive, aujourd’hui plus qu’hier, le recours à tout conseil expert en contrôle et contentieux fiscal. La conclusion d’une transaction n’est d’ailleurs pas exclusive par elle-même de cette dénonciation.
Enfin, le dépôt spontané d’une déclaration rectificative interdit à l’administration de transmettre ces informations au procureur de la République.
Il est précisé que l’administration fiscale ne se portera pas systématiquement partie civile dans ces affaires.
Autres aménagements du verrou de Bercy
Les dossiers ne satisfaisant pas aux critères ci-dessus repris pourront toujours être déférés au juge pénal sur plainte préalable de l’administration fiscale ayant recueilli un avis favorable de la Commission des infractions fiscales, dès lors qu’ils remplissent les conditions actuelles émanant des circulaires antérieures non abrogées et des critères retenus par le Conseil constitutionnel.
Cependant, l’administration fiscale pourra en plus déposer plainte en se passant de l’avis de la CIF dans divers cas présumant de la commission d’une fraude fiscale et s’il existe un risque de dépérissement des preuves. En d’autres termes, l’administration pourra activer la procédure judiciaire lorsque cette dernière lui permettra de confirmer ou d’infirmer ses soupçons de fraude fiscale.
En pratique, cela visera l’utilisation de comptes ouverts ou de contrats conclus auprès d’organismes non établis en France, ou de l’interposition de tels organismes, ou d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger. Plus communément, l’usage de faux est également retenu et enfin, toute autre manœuvre destinée à égarer l’administration, fourre-tout laissé à l’appréciation de l’administration sous le contrôle du juge.
Dans ces deux derniers cas, l’administration fiscale se constituera systématiquement partie civile lors du procès pénal, en vue de soutenir l’action publique et, lorsque le contribuable est une personne morale, de réclamer la condamnation au paiement solidaire des impositions et des pénalités fiscales. En d’autres termes, les services fiscaux demanderont à ce que le juge leur reconnaisse de nouveaux débiteurs afin de recouvrer les montants éludés.
Le renforcement des échanges entre Finances et Justice
Outre la levée du secret fiscal à l’égard du procureur de la République, les services de ce dernier sont encouragés à communiquer à l’administration fiscale toute information de nature à faire présumer une fraude ou compromettre un impôt, sur la base des dispositions législatives et réglementaires préexistantes, renforcées globalement depuis le début du quinquennat Hollande (notamment depuis la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière).
Cette communication par l’autorité judiciaire pourra afficher un caractère urgent, avec indication d’un délai même bref et pouvant se doubler d’un entretien téléphonique entre magistrat et administration fiscale, en vue de permettre aux services de cette dernière de réagir en temps utile (recoupements d’informations puis dépôt de plainte, rappelant que l’avis préalable de la CIF n’est plus nécessaire).
En retour, les services vérificateurs effectueront un examen systématique des faits et procéderont à leur signalement auprès du parquet avant même l’achèvement du contrôle fiscal. Seront notamment visés les abus de biens sociaux, les présentations de bilans inexacts, l’abus de confiance, les faits de blanchiment d’argent, les détournements de fonds publics, l’exercice illégal d’une profession etc.
Des référents fraude fiscale seront désignés et formés afin de devenir les interlocuteurs privilégiés, véritable interface entre les deux administrations d’Etat.
Droit fiscal et droit pénal des affaires faisaient déjà l’objet d’une proximité caractéristique, fortement confortée par cette circulaire commune. Les entrepreneurs doivent être conscients de la nécessité de protéger leur situation et par suite, d’être accompagnés dans leur quotidien, dans leurs prises de décision, afin de minimiser ces risques de contagion du pénal vers le fiscal et réciproquement.
AUDITIS se tient à votre disposition pour vous accompagner.