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FISCAL & PATRIMOINE – SCI, IFU : des chiffres et des lettres
Actualité Fiscal, Patrimoine du 9 juillet 2019
Le tribunal administratif de Paris a rendu un jugement en date du 19 décembre 2018 sous le numéro 1710295/1-3, qui s’attarde sur la perception de revenus fonciers et de revenus de capitaux mobiliers par les associés d’une société civile immobilière.
Absence de double imposition
Une société civile immobilière (SCI) de location fit l’objet d’une vérification de comptabilité. Le service réintégra dans ses résultats des sommes qualifiées d’irrégulièrement distribuées, en vue de les imposer en tant que revenus de capitaux mobiliers (RCM) et de les frapper d’une amende de 50 % des revenus non déclarés, en vertu de l’article 1736 du Code général des impôts.
La SCI répliqua que des déclarations rectificatives de revenus fonciers, qui intégreraient ces sommes, avaient été déposées et se plaignit en conséquence d’une double imposition. Cependant, l’administration fiscale objecta qu’aucun établissement du débiteur n’existait à l’adresse de l’immeuble détenu par la SCI. En d’autres termes, les sommes reçues ne sauraient être la contrepartie de la mise à disposition dudit local, d’autant qu’elles ne correspondaient ni au montant stipulé dans le bail, ni à celui mentionné sur les quittances.
Bref, certaines sommes portées au crédit des comptes bancaires de la SCI étaient inexpliquées et en conséquence, constitutifs d’avantages occultes au sens de l’article 111 du CGI.
RCM dont le paiement est assuré par une société de personnes
La SCI invoqua ensuite son caractère fiscalement opaque, nécessaire corollaire de l’imposition de revenus en tant que revenus de capitaux mobiliers, pour exiger du service la preuve du désinvestissement des sommes (leur distribution) et leur appréhension par les associés.
Toutefois, pour le juge de l’impôt, la SCI n’a fait que s’interposer entre la société d’exploitation passible de l’impôt sur les sociétés (IS), et les associés communs aux deux structures, bénéficiaires effectifs de la distribution. Il n’est donc pas allégué qu’elle soit passible de l’impôt sur les sociétés. Relevant par conséquent du régime des sociétés de personnes, ses associés sont réputés avoir appréhendé la distribution. En d’autres termes, l’administration, suivie en cela par le juge, estime que la société d’exploitation soumise à l’IS a distribué des revenus de capitaux mobiliers aux associés, par le truchement indifférent de la SCI relevant de l’impôt sur le revenu. Cette distribution appréhendée constitue nécessairement un désinvestissement.
En conséquence, ces montants sont des revenus distribués imposables entre les mains des associés.
Effet sur les obligations déclaratives
Les sociétés qui assurent le paiement de sommes distribuées sont astreintes à une déclaration annuelle auprès de l’administration fiscale, par le biais de l’imprimé fiscal unique (IFU), en application de l’article 242 ter du Code général des impôts (CGI).
Le non-respect de cette obligation entraîne l’application de l’amende de l’article 1736 dudit Code.
Par ailleurs, l’article 158 du CGI majore de 25 % le montant des avantages occultes distribués pour le calcul de cette amende. En d’autres termes, le taux de l’amende de 50 % d’une base de 125 % aboutit dans les faits à un taux de 62,50 %.
Le prononcé de l’amende est ainsi entériné, la SCI ayant assuré le paiement de tels avantages, sans les déclarer auprès de l’administration fiscale.
Les sociétés de personnes vues par Schrödinger
Le juge de l’impôt se range ainsi à la solution, inédite, dégagée par le Conseil d’Etat dans un arrêt Norma du 20 septembre 2017 (req. n° 392510), où il était question de l’imposition d’intérêts issus du placement d’une somme par une société de personnes. Les intérêts étant, comme les distributions, des revenus de capitaux mobiliers, la même question s’était posée.
La réponse n’était toutefois pas évidente, puisqu’il s’agissait de rendre totalement invisible, transparente, la société civile au regard de la distribution de capitaux mobiliers, mais de faire, dans le même temps, peser sur elle une obligation déclarative en tant qu’établissement payeur des sommes.
L’existence de la SCI a donc fiscalement un impact sur les obligations déclaratives, mais n’en a pas sur la catégorisation des revenus.
Cela s’explique par le fait que le Conseil d’Etat, et aujourd’hui le Tribunal administratif de Paris, ont fait prévaloir la transparence fiscale sur la translucidité fiscale en matière de revenus de capitaux mobiliers. Dans le premier cas, la société n’est qu’un intermédiaire transparent, sans détermination de résultat ni d’imposition à son niveau ; tout se joue au niveau individuel de chaque associé. Dans le second cas, le résultat est déterminé au niveau de la société, avant d’être réparti pour imposition personnalisée au niveau de chaque associé.
Cela explique, dans le jugement commenté, le maintien de la catégorie des RCM pour des sommes versés par une société civile non passible de l’IS.
Cette position est fondée sur la présomption de reversement immédiat de revenus aux associés, instituée par les articles 75 et 79 de l’annexe II et 41 duodecies A et G de l’annexe III au CGI. L’absence de précision relative auxdits revenus a permis une interprétation large englobant les RCM, le reversement s’assimilant au paiement, impliquant pour l’établissement la production de l’IFU.
Concrètement …
Si vous, associé de sociétés à l’IS, envisagez de percevoir par le biais d’une société de personnes relevant de l’impôt sur le revenu, des sommes à quelque titre que ce soit, signalez-le à votre interlocuteur habituel afin que la fiscalité de ce versement soit analysée et que nous puissions vous assister dans les démarches consécutives.