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SOCIAL – Travail indépendant et salariat, la frontière est parfois mince
Actualité Droit du travail, Social du 24 mai 2018
Ces dernières années, on a vu apparaître une « explosion » du travail indépendant. En effet, la tentation est grande de vouloir s’affranchir des obligations liées au contrat de travail et du paiement des charges sociales inhérentes. Mais attention aux risques que représente la requalification de certaines pratiques en salariat.
Dans certains cas, ces relations clients/fournisseurs revêtent un caractère ambigu : tel est le cas par exemple d’un autoentrepreneur n’ayant qu’un seul client, qui travaille dans les locaux, sous les directives et avec le matériel de son client. Ces situations peuvent, en cas de contentieux, placer ces entrepreneurs, faussement indépendants, dans une situation de salariat déguisé. En pareil cas, les conséquences juridiques et financières peuvent être extrêmement lourdes.
Afin de vous permettre d’identifier les zones de risques, il est nécessaire de rappeler qu’il existe plusieurs manières d’exercer une activité professionnelle :
• Le contrat de travail,
• Le travail indépendant (micro-entrepreneur, agent commercial, sous-traitant, etc.).
Les différents types de travailleurs indépendants
Le travailleur indépendant n’est pas lié par un contrat de travail avec le donneur d’ordres ou l’entreprise pour laquelle il intervient dans le cadre de sa mission. Il travaille de manière autonome pour son compte personnel.
En pratique, cette relation peut s’exercer sous les formes suivantes :
• Le micro-entrepreneur (ex : autoentrepreneur) : selon la Réponse Ministérielle n°7103 du 06 Août 2013, il s’agit d’un travailleur qui « a pris librement l’initiative de créer ou de reprendre une activité, qu’il conserve, pour son exercice, la maîtrise de l’organisation des tâches à effectuer et du matériel nécessaire, ainsi que de la recherche de la clientèle et des fournisseurs ».
• L’agent commercial est un « mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. » Art. L 134-1 du Code de Commerce.
• La sous-traitance est l’opération par laquelle une personne (l’entreprise principale ou donneur d’ordres) confie à une autre (le sous-traitant), sous sa responsabilité, l’exécution de tout ou partie d’un contrat d’entreprise.
Le contrat d’entreprise a pour objet l’exécution en toute indépendance d’un ouvrage ou d’une prestation de façon autonome et indépendante.
Une présomption légale de non-salariat
Les personnes physiques immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés, au Répertoire des Métiers, au Registre des Agents Commerciaux ou auprès des URSSAF pour le recouvrement de leurs cotisations familiales sont présumées ne pas être liées par le donneur d’ordre ou d’ouvrage par un contrat de travail.
Toutefois, cette présomption peut être renversée et l’existence d’un contrat de travail peut être établie.
Caractérisation du contrat de travail
Selon la jurisprudence (C.Cass. Assemblée Plénière 04 Mars 1983 arrêts BARRAT – pourvoi n°81-11647 et 81-15290 et Chambre criminelle, arrêt n° 84-95559 du 29 octobre 1985, GUEGAN), l’existence d’un contrat de travail ne dépend :
• ni de la volonté des parties,
• ni de la qualification donnée à la prestation,
mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
Est considéré comme travailleur, celui qui :
• accomplit une prestation de travail,
• avec un lien de subordination permanent (« exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (C.Cass. Soc.13 Novembre 1996 Société Générale – pourvoir n°94-13187),
• et qui perçoit en contrepartie une rémunération.
La caractéristique essentielle du contrat de travail est donc l’existence d’un lien de subordination.
Les faisceaux d’indices remettant en cause le statut d’indépendant
Une liste non exhaustive de critères, dégagés par la jurisprudence, permet de remettre en cause l’autonomie liée au statut d’indépendant faisant présumer une relation salariée :
• un donneur d’ordre unique (un travail exclusif pour une société),
• le respect des horaires,
• le respect de consignes autres que celles strictement nécessaires aux exigences de sécurité,
• l’intégration à une équipe salariée,
• la fourniture par le donneur d’ordres de matériel ou d’équipement,
• une rémunération imposée par le donneur d’ordres,
• des périodes d’inactivités imposées (assimilées à des congés).
Les risques et sanctions encourus
Le risque encouru est la requalification de la relation en relation de travail. Cette requalification peut être demandée :
• par le travailleur indépendant, en saisissant le conseil des prud’hommes,
• par l’administration (Inspecteur du Travail, URSSAF, services fiscaux par exemple), qui saisit alors le procureur de la République.
Le donneur d’ordres devra en conséquence régulariser la situation et pourra être condamné :
• à régler les cotisations et contributions sociales pour toute la durée de la relation de travail,
• à verser les salaires et indemnités correspondants à un poste de salarié équivalent (salaire, primes, congés payés, indemnités diverses) et ce depuis le début avéré de la relation de travail,
• des dommages et intérêts pour préjudice matériel ou moral,
• éventuellement les indemnités liées à la rupture du contrat de travail (licenciement) si, au moment de la requalification, le demandeur (statut de salarié acquis en raison de la requalification) n’a plus de lien avec celui qui est réputé avoir été son employeur.
Par ailleurs il pourra faire l’objet d’une condamnation pénale pour travail dissimulé (Art. L8221-5 du code du travail).
Notons qu’il est possible pour le travailleur indépendant de s’assurer de sa situation et ainsi sécuriser ses relations en faisant une demande de rescrit social auprès de l’URSSAF (Art. L 311-11 du Code de la Sécurité Sociale). Attention cependant, cette demande ne peut pas être faite lorsqu’un contrôle est engagé (avis de contrôle notifié) ou lorsqu’un contentieux en rapport avec la demande est en cours.
Il convient d’être extrêmement prudent lorsque l’on souhaite externaliser des missions et s’assurer notamment de l’absence de lien de subordination.